Typologie paysagère de la vallée de la Loire
LOIRE BOURBONNAISE
1. Entre Auvergne et Bourgogne : des rivages lointains, des pays de confins.
Entre la plaine roannaise et le débuts du Val proprement dit, La Loire fait la
limite entre Auvergne et Bourgogne. Elle y a toujours fait figure de rivage
lointain, bordant des pays de confins à l'habitat raréfié et à l'économie
laborieuse. Le fleuve, parcouru au temps de la batellerie par des
embarcations de toute sorte, surtout à la descente, reste cependant très
éloigné des capitales qui ont nom Moulins, Nevers, Autun, pour ne pas
parler de Lyon. Délaissé par la route Nationale 7 qui innerve l'axe ligérien
depuis la fin de la batellerie mais le quitte entre Nevers et Roanne pour
suivre l'Allier, il continuera à traverser des pays peu connus à moins que
sa traversée par la
Route Centre Europe Atlantique ne le fasse redécouvrir,
notamment aux Européens du centre qui recherchent souvent le
dépaysement propre aux grands spectacles de la nature. Il y a là une
perspective digne de sa grande valeur paysagère.
Les villes sont peu nombreuses et très modestes. Elles vont de pair avec les
confluences, petites et grandes, qui en rythment le cours. Après le
Sornin à
Pouilly-sous-Charlieu, ce seront l'Arconce et l'Arroux, respectivement en
amont et en aval de
Digoin, puis la Besbre, au droit de Dompierre et de
Diou, la petite Somme en aval de Bourbon-Lancy et enfin l'Aron, à Decize.
Mais de très nombreux ruisseaux s'y ajoutent, rejoignant la Loire par
autant de vallons qui relient le lit majeur à l'arrière-pays.
Parmi les villes, Decize occupe une place à part : elle est, en Loire,
la seule
ville construite sur une île.
Le fleuve ne l'entoure plus de ses deux bras,
comme par le passé, parce que son aménagement, rendu nécessaire par la
jonction des canaux de la Loire et du Nivernais, a occasionné
l'ensablement du bras droit, désormais très réduit,
la Vieille Loire. Son
ancien lit reste cependant couvert d'une magnifique
prairie qui parle
encore du fleuve, surtout de part et d'autre du grand pont de quatorze
arches qui le franchit. C'est là la "vraie" façade de la ville, où se lit
clairement le modèle classique de la ville-pont ligérienne : la qualité de
l'architecture et la beauté de la Promenade des Halles y sont pour
beaucoup.
Quant aux autres formes du bâti, elles se regroupent sur les terrasses qui
dominent la plaine alluviale. On remarquera, comme partout, une certaine
tendance à l'urbanisation en doigt de gant le long des routes qui courent
sur ces terrasses parallèlement à la rupture de pente des coteaux sur la
plaine. Ce phénomène est en contradiction avec le modèle d'orientation de
l'habitat traditionnel, qui est plutôt perpendiculaire au fleuve que parallèle
à lui (sauf le long de la levée, dans le Val, par exemple dans la Grande
Vallée angevine). Il nuit particulièrement au paysage lorsqu'il s'installe le
long de
la traversée par les routes des vallons qui séparent les terrasses
perpendiculairement au fleuve
.
Ces vallons sont très nombreux et constituent, eux aussi des motifs des
plus précieux.
Ce sont en effet, à partir des pays environnants, les voies
d'accès privilégiées à la grande plaine et au fleuve,
les coteaux étant trop
raides pour laisser filtrer autre chose que des sentiers. Ils sont autant de
corridors, pour reprendre un concept-clé de l'écologie, reliant les
saltus
côtiers, et même forestiers de l'arrière-pays, au saltus fluvial, corridors
fréquentés non seulement par l'homme mais aussi par la faune et la flore
ligériennes. A ce titre ils méritent de rester intouchés par une urbanisation
qui interromprait cette continuité tant bioécologique que paysagère. De ce
double point de vue, il faut les considérer comme des invaginations de la
plaine alluviale à l'intérieur du pays et comme partie intégrante de la
charpente paysagère ligérienne.

2. Une vallée de plus en plus large et ses îles
Large de 600 à 800m entre Pouilly-sous-Charlieu et Iguerande, la vallée ira
s'élargissant jusqu'à atteindre
2 à 3 kilomètres entre Iguerande, Digoin et
Diou,
puis 4 à 5 kilomètres jusqu'à Decize.
A l'inverse des plaines du Forez et du Roannais, elle a été largement
épargnée par l'exploitation des gravières sur la quasi totalité de sa
longueur.
C'est la plaine, la grande plaine plate formée au cours des
millénaires par les alluvions de la Loire et de l'Allier. Ce sont d'immenses
perspectives, dans lesquelles
villages, domaines, châteaux et fermes
deviennent des motifs forts et attirants comme des îles
: les noms de lieuxdits
Ile y sont d'ailleurs des plus fréquents. Et l'on sait qu'il s'agit bien
d'insularité dans cette plaine inondable où certaines familles entassaient
autrefois leurs effets sur une charrette pour aller se mettre à l'abri sur les
terrasses, pendant quelques mois, à l'abri des crues bienfaisantes. La
reconduction régulière de ces motifs finit par créer
un paysage
impressionnant
: l'espace, jusqu'à ses moindres parcelles, paraît régi,
ordonné, commandé à partir de ces îles portant bâti. Le visiteur s'y sent
observé et en quelque sorte suivi dans ses déplacements mais la moindre
haie, le moindre chemin, le moindre bouquet d'arbres prend une grande
valeur parce qu'ils sont perçus comme
des signes d'accueil et de
prévenance
.
3. La plaine entre bocage et grandes cultures.
La plaine est désormais partagée entre ce qui fut, et demeure parfois le plus
beau bocage ligérien
et les grandes étendues de l'agro-industrie.
Le motif du bocage "à la française", rythmé par les haies et les chênes, puis
les saules et les peupliers, et fréquenté par les grands animaux d'élevage,
faisait de la plaine l'espace de l'animal-roi. Partout où il subsiste, l'espace
s'organise autour des prairies et des chemins.
Les prairies comme
expression naturelle des alluvions déposées lors de crues millénaires et
comme motif paysager privilégié synonyme de repos, de fraîcheur et de
paix.
Les chemins, comme ces corridors qui les irriguent en y véhiculant la
vie sous toutes ses formes animales et humaines. Bordés de
haies et
rythmés de
chênes encore soigneusement entretenus, ils sont parfois larges
de quatre, cinq et jusqu'à six mètres : de véritables artères, parfois droites
comme des avenues, transparentes en hiver et au printemps, ombreuses
en été et à l'automne. La terre y est noire, jonchée à l'automne de ces
feuillées dont l'éclat demeure longtemps et distingue le chemin des
pâtures toujours vertes.
Ces chemins ne résistent pas toujours, tant s'en faut, aux négligences, aux
abandons ou aux remembrements. Il en résulte des paysages que l'on
qualifie souvent d'ouverts, mais qui sont en réalité fréquemment
fermés
au parcours,
ce qui est contradictoire avec l'idée même de paysage. Les
routes, les chemins et les sentiers sont en effet, avec les cours d'eau,
les
motifs les plus dynamiques de nos paysages
. Ce sont eux qui, par définition
et au sens propre,
ouvrent des perspectives et des horizons à ceux qui les
empruntent. Sans les chemins ces perspectives et horizons resteraient
lointains et donc plus frustrants que motivants. C'est pourquoi, du point
de vue des paysages, un objectif majeur de tout remembrement est de
conserver, voire de recomposer l'essentiel du maillage viaire essentiel à la
parcourabilité de la plaine. On a vu qu'il y avait là un enjeu majeur dans la
plaine du Forez. Il en va de même en Loire bourbonnaise. Il en ira de
même pour toute la vallée.
4. Les verdiaux, le fleuve et ses méandres
Sur les chemins qui mènent à la Loire, le domaine du fleuve s'annonce
lorsque le sol, noir dans le bocage, devient progressivement sableux et plus
blanc. La progression prend progressivement un rythme semblable à celui
de la marche au bord de mer, la pointe du pied se faisant plus active sur un
sol qui se dérobe davantage. Les haies s'amenuisent et les chênes
disparaissent. Les
saules font leur apparition, souvent isolés en pleine
prairie, au bord d'un de ces reliefs à peine sensibles et de ces
boires qui
témoignent d'un ancien méandre abandonné par le fleuve. Les
peupliers,
plus élevés et plus massifs, dominent bientôt
le foisonnement des
verdiaux
.
Ils constituent
l'habitat privilégié et instinctif de nombreuses populations
animales et végétales
, toutes attractives des points de vue scientifique et
paysager. Ce sont la flore et la faune sauvages, notamment l'avifaune,
auxquelles le lit du fleuve, chemin naturel de pénétration et
d'acclimatation d'espèces venues du sud, sert de point de repère et de
refuge dans leurs migrations millénaires. Le site SOUS DEVAY, par
exemple, est un grand centre d'hivernage au plan national pour les Oies
des moissons et les Oies cendrées (le lit mineur pour les Sternes Pierregarin
et naines) seulement présentes, par ailleurs, en Camargue et sur les Côtes
bretonnes. L'eau de la Loire véhicule aussi des plantes venues des
profondeurs du Massif Central. La
Violette tricolore et le Genêt purgatif
sont à l'origine, sur les versants du site de TINTE, de l'apparition d'une
lande très originale d'intérêt régional. Le succès de ces migrations végétales
et animales le long du fleuve dépend des espaces dont elles disposent et du
calme qui y règne du fait d'
une fréquentation humaine très modérée. Le
dépaysement
qui résulte de ces présences végétales et animales est très
sensible et confère à ces sites une grande valeur paysagère.

II. LES CARACTERES DES PAYSAGES DE LA LOIRE BOURBONNAISE
1. Les chemins de la Loire, témoins de l'histoire et clés des paysages
Les routes, les chemins et les sentiers ne bénéficient pas toujours, dans nos
paysages, des égards qui leur sont dus. Avec les cours d'eau, on l'a vu, ils
font partie des motifs les plus dynamiques de nos paysages. Certains d'entre
eux font partie intégrante de la charpente paysagère des sites qu'ils
desservent ou relient. Ils devraient, à ce titre, être sauvegardés, et si
nécessaires protégés.
Pas de paysage sans chemins.
En Loire, ils complètent admirablement les chemins d’eau, fleuve, rivières
affluentes, canaux, quais, chemins de halage, ponts, aqueducs et viaducs. Ce
sont les routes, asphaltées ou non, en grandes lignes droites à la manière
des voies gallo-romaines ou en parcours sinueux épousant au plus juste les
caprices du relief, les chemins de terre battue et les chemins herbeux,
bordés de haies denses ou d'alignements réguliers, les allées de parcs, de
forêts ou de petits jardins, les sentiers, et jusqu'aux calades et grands
escaliers en pas d’âne. Ils vont partout, pénètrent partout et ne s'arrêtent
qu'aux portails, laissant au visiteur le soin d'imaginer les ambiances
privées qu'il convient de respecter. Ils sont
l'espace public par excellence,
parcourable par tous et donnant accès à tous les points de vue et lectures du
paysage.
Or le réseau viaire de la vallée, ici comme sur tout le cours du fleuve, a été
mis à mal de plusieurs manières : par négligence, par insouciance voire par
manque de moyens, par appropriations sauvages, par ventes à des
particuliers, par effacement lors des opérations de rembrement ou de la
transformation du bocage en cultures extensives, etc... Il a subsisté en
maints endroits. Le modèle en est encore suffisamment achevé pour qu'il
puisse encore servir à la restauration de l'ensemble avant qu'il ne soit trop
tard.
2. Un fleuve amazonien, exotique et mythique : la Loire en liberté.
"Tous les ans, et souvent plusieurs fois l'an, la Loire mène autant de flots
qu'un grand fleuve d'Asie, d'Afrique, d'Amérique..."
(Reclus, O.,1904, 686)
Ce sont de telles évocations qui frappent l'imagination des amateurs de
paysages. Se pourrait-il que, dans notre pays, si réputé pour son caractère
tempéré et jardiné, il soit possible d'être transporté dans des paysages aussi
fabuleux que ceux des plus grands fleuves du monde? On sait que Balzac
n'a pas hésité à comparer la Loire tourangelle au Gange... Un maire de la
Bourbonnaise n'hésitait pas, quant à lui, à y reconnaître l'égale du Niger,
où il avait vécu dix ans.

Que la Loire soit un mythe, nous le savons depuis notre enfance, depuis
l'école, et nous en sommes fiers comme de la Seine, du Rhône et de la
Garonne. Le Val de Loire jouit dans le monde entier d'une notoriété qui
n'a d'égale que celle de Versailles, qui d'ailleurs lui doit beaucoup. Mais
celui qui ne connaît que le Val de Loire ne connaît pas vraiment la Loire. Et
si la Loire bourbonnaise ne jouit pas de la notoriété du Val (elle est
complètement ignorée des guides touristiques classiques) elle le surpasse
en un point au moins, mais quel point : l'extraordinaire impression de
liberté qu'elle produit sur celui qui a pris la peine de franchir les quelques
kilomètres qui la sépare des pays avoisinants pour en faire l'expérience
directe. Il faut en effet avoir rejoint la Loire, après la traversée qui la sépare
du coteau déjà lointain, il faut l'avoir vue se révéler, après l'avoir attendue
sans en discerner quoi que ce soit, s'ouvrir en quelque sorte sous ses pas,
avec cette soudaineté si caractéristique, à vingt ou trente mètres à peine de
distance, pour avoir
le choc inoubliable de sa beauté et de sa souveraine
liberté.
La Loire, au-elà même de la force de son mythe, dépasse tout ce qu'on
attend d'elle : peu de paysages peuvent en dire autant. Il y a dans cette
expérience quelque chose d'unique qu'il vaut la peine d'essayer de
comprendre.
Il est déjà significatif de constater que les images qui viennent aux lèvres de
ceux qui la connaissent et y vivent relèvent toutes d'un registre imaginaire
dominé par
l'insolite et le grandiose. Les immenses grèves de sable fin et
pur, le flot somptueux et puissant du fleuve, et les horizons qui courent en
incessantes vagues végétales, sous le ciel, évoquent pour l'un l'Amazonie :
le mot est d'un paysan du terroir ; pour tel autre, déjà cité, un grand fleuve
africain ; pour un autre encore la Patagonie, comble de l'étrangeté. Bref,
le
dépaysement est total
et l'imaginaire ne trouve de point d'appui que dans
des "ailleurs" exotiques et mythiques qui seuls parviennent à traduire
l'émotion. Cette émotion est cependant, en partie au moins,
compréhensible.
Il y a d'abord
le contraste radical qui s'établit entre les deux types de
paysages qu'il a fallu traverser avant d'arriver là. Sur les plateaux et les
terrasses, c'étaient des paysages fortement marqués par tous les motifs de la
spatialité humaine : villages, domaines, exploitations, réseaux de toute
nature. Ensuite, dans la plaine alluviale, c'en étaient déjà d'autres, aux
gradients naturels plus affirmés. Enfin les grands méandres pleins de leurs
verdiaux, au bout du parcours, effaçent ces marques pour permettre enfin
au naturel, sur les grèves du fleuve, de reprendre d'un seul coup tous ses
droits.
Il y a ensuite ce
sable de Loire qui, à l'étiage, s'étend en grèves longues,
galbées et sinueuses. Ce sable n'a plus rien à voir avec la terre du bocage ; ce
n'est pas une terre, c'est un autre élément ; et cet autre élément transforme
ces grèves, comme par un coup de baguette magique, en rivages d'un autre
univers.
Puis il y a
l'eau, et l'eau en mouvement. Une telle masse d'eau, si claire, si
puissante, si libre et souveraine, aucun autre fleuve de France n'en donne
plus l'exemple. La seule comparaison que l'on pourrait tenter serait celle
de l'océan, car elle s'associe spontanément à celle des rivages évoqués plus
haut, et elle résiste à l'apparition des grandes frondaisons végétales de la
rive opposée qui apparaissent comme des îles. Sablonneuse, capricieuse,
imprévisible, la Loire n'est-elle pas le prolongement, à l'intérieur des
terres, de l'océan lointain : on se souvient alors des grandes migrations
dont elle est l'itinéraire immémorial privilégié.
Il y a encore
ces longs verdiaux foisonnants et changeants qui ont fait, eux
aussi, l'enchantement des enfants du fleuve. Brousses, forêts vierges,
repaires, labyrinthes, dont le fil d'Ariane n'est connu que des familiers, ils
sont aussi le sanctuaire d'une faune et d'une flore qui y trouvent le refuge
indispensable à leurs rythmes et à leurs humeurs. Voie royale de la
descente atlantique vers l'intérieur des terres, la Loire l'est aussi de la
remontée vers le nord de toutes ces populations venues du sud, elles aussi.
Il y a enfin
ces méandres : les plus beaux, sinon les seuls, de tout le cours de
la Loire.
Attardons-nous quelques instants au bords de l'un d'entre eux,
rêvons quelques instants sur la carte, et relisons les quelques lignes
d'introduction de l'étude globale d'environnement réalisée en 1990 par le
BETURE-SESAME, notant si justement la difficulté particulière posée à
l'analyse par les paysages de la Loire
"... à cause du contenu émotif et
poétique qui les caractérise"
:
"La persistance du rapport entre l'eau, le sable, la végétation filtrant ou
diffusant la lumière, et le ciel, constitue l'élément majeur de ces paysages.
Leur protection est liée à la découverte progressive du lit pendant l'étiage,
mais aussi à l'équilibre entre les espaces végétalisés et minéraux, qui
permet principalement de garder une échelle de perception très vaste où le
regard et l'esprit peuvent s'échapper et divaguer librement."
(BETURE-SESAME, 1990 : 117)
Divaguer librement? On ne peut mieux traduire la puissante motivation
liée aux méandres du fleuve :
leurs divagations indéfiniment renouvelées
et entremêlées d'eau, de sable blond, de feuillages et de présences furtives
sont le symbole efficace de toutes les rêveries suscitées par ces parages. Le
fleuve y apparaît avec éclat pour ce qu'il est : un être vivant, qui évolue et
change au fil des saisons, modifiant son cours, ses habitudes et ses motifs :
compositions végétales mouvantes et éphèmères ; modelés des grèves sans
cesse repris dans leur épaisseur ;
dessins indéfiniment renouvelés des
courbes de leurs rives ;
jeux incessamment repris des formes et des
couleurs
sur les sables et sur les graviers. Reine des métamorphoses, le
Loire renouvelle en permanence tous ces motifs, références incomparables
pour nombre d'observateurs, des plus scientifiques aux plus poètes,
menacées de disparaître au cas où le fleuve perdrait son caractère
simplement naturel.
3. Un modèle d'hydrosystème fluvial.
"Dans un hydrosystème fluvial, au gradient d'organisation longitudinal
s'ajoute un fort gradient latéral qui s'accompagne de biotopes typiques... La
subsistance de tronçons à dynamique active, d'une longeur significative,
confère à cette portion de Loire en amont du Bec d'Allier un caractère
d'originalité dans le contexte européen. En matière de gestion, se pose la
question de savoir comment instaurer et mettre en oeuvre un principe de
préservation d'espace de liberté pour les cours d'eau afin de conserver ce
type de tronçons" (Malavoï et Souchon, 1996 : 145)
Ainsi se trouve présenté l'intérêt scientifique, à l'échelle européenne, de la
Loire bourbonnaise (intérêt qu'il convient d'ailleurs d'étendre en amont
jusqu'à Villerest et en aval jusqu'au Bec d'Allier). Faut-il souligner la
convergence de ces lignes avec l'intérêt poétique du fleuve tel qu'il vient
d'être esquissé? Sur cette longue séquence, le fleuve jouit encore d'un
espace d'expansion qui lui permet de divaguer,
exerçant par là la double
dynamique, et fluviale et écologique, caractéristique d'un grand fleuve
encore libre.
Cette double dynamique peut ainsi être étudiée, d'une part
pour elle-même dans un but scientifique, d'autre part pour apporter les
éléments de réponse à
la question de l'espace minimal de liberté à définir
pour une gestion équilibrée du fleuve.
Sur l'ensemble de la séquence, les sites d'intérêt et dynamique et
écologique
les plus remarquables sont, tant pour Malavoï et Souchon (1996)
que pour Bugnon et al. (1983) les suivants :
- entre
Iguerande et Artaix (4,8 kms),
- entre
le pont de Bonnand et Varenne-Saint-Germain à la confluence de
l'
Arconce (13,2 kms),
- entre Diou et Decize (51,8 kms) secteur "présentant la dynamique fluviale
la plus active sur le linéaire le plus important.
Les méandres sont presque
tous actifs (érosion latérale intense à très intense)... L'intensité de sa
dynamique fluviale est reconnue et analysée depuis longtemps (Babonaux,
1970, Maire et al., 1983).
Son exceptionnelle qualité écologique globale est
aussi fermement établie
(Loire Nature, 1995)." (Malavoï et Souchon, 1996 :
152)
On retiendra particulièrement les sites qui s'enchaînent dans les deux
séquences suivantes :

De Beaulon à Cronat :
"La dynamique fluviale est caractérisée par une évolution rapide des
méandres avec des taux d'érosion avoisinant les 50 à 90m en 10 ans.
C'est ce sous-trançon qui a connu la modification géomorphologique la
plus importante de ces 50 dernières années avec le recoupement de la
série de méandres des Grands Verziaux en 1957. Ce recoupement
spectaculaire a modifié un paramètre morphodynamique majeur, la
pente du lit (celle-ci a été multipliée par deux) ce qui a entraîné une
érosion régressive et progressive dont on ne connaît pas encore
précisément l'amplitude mais qui est probablement stoppée en amont
par le seuil de Diou."
De Saint-Hilaire-Fontaine à Decize, le lit redevient très actif :
"La forêt alluviale offre là un de ses plus grands développements
longitudinaux continus
ce qui fait probablement de ce sous-tronçon l'un
des plus intéressants du point de vue écologique de l'ensemble de la
zone d'étude." (Malavoï et Souchon, 1996 : 152 et 153)
III. LA LISIBILITÉ DES PAYSAGES DE LA LOIRE BOURBONNAISE
1. Les motifs de naturalité de l'espace de liberté du fleuve
Liée à l'intégrité des motifs et modèles en place, la lisibilité des paysages de
la Loire bourbonnaise est très généralement acquise dans le'espace de
liberté du fleuve. La vie et la dynamique du fleuve et des biotopes y sont
sensibles, voire très sensibles.
La coexistence de modèles de lecture
scientifiques, artistiques et pittoresques, voire historiques,
s'y trouve
fréquemment réalisée et c'est ce qui lui confère sa grande valeur paysagère.
Les exceptions à cette lisibilité viennent des sites dans lesquels des
contraintes ont été imposées à la dynamique fluviale soit par
les reliefs
naturels
soit par les aménagements comme les enrochements, les perrés et
les endiguements. Dans le cas des reliefs naturels, la dynamique est
contrainte par calage latéral ou longitudinal : latéral contre les deux coteaux
dans le
"défilé d'Iguerande", ou contre un seul coteau comme en amont du
pont de Bonnand
. Il est longitudinal à Diou au niveau du seuil rocheux
affleurant au fond du lit actif fixant ainsi très fortement le plancher
alluvial.
Dans le cas des aménagements artificiels, la dynamique se trouve
contrainte par calage latéral. Ainsi, entre les confluences de l'
Arconce et de
l'
Arroux, l'enrochement de deux méandres de grande amplitude en amont
de Digoin
interdit la dynamique naturelle et la grande qualité écologique
potentielles du fleuve. (On notera que de tels enrochements ont toujours
quelque chose de choquant et marquent une baisse de qualité paysagère. Ce
qu'ils ont d'incongru, d'inachevé, voire de bâclé, ne se retrouve pas dans le
cas des perrés maçonnés et soignés, ni des simples levées de terre
enherbées).
De Cronat à Saint-Hilaire-Fontaine ce sont des digues sur
Ballore et Thareau, et des protections de berges le long de la RD 15 qui, sans
exclure des zones d'érosion ponctuelles et de nombreux bancs alluviaux,
empêchent ponctuel-lement que la qualité écologique de toute la séquence
soit très bonne.
Dans certains cas enfin les contraintes et naturelles et artificielles se
trouvent réunies pour stabiliser le lit, comme
entre Digoin et Diou, le
secteur probablement le plus stable de toute la zone d'étude. Les
affleurements en pied de coteaux et les aménagements anciens de perrés et
d'enrochements y empêchent définitivement une grande qualité
écologique - et induisent les sites les moins intéressants du point de vue
paysager.
2. Les motifs de naturalité des saltus côtiers et des vallons.
Les coteaux et les vallons méritent aussi d'être maintenus dans leur
intégrité. Celle-ci n'est pas toujours assurée. On citera par exemple
le
coteau de Saint-Léger-des-Vignes,
qui marqua longtemps la limite sud du
vignoble ligérien, et dont on attendrait autre chose qu'un mitage aussi peu
conforme aux modèles ligériens du bâti.
Le modèle général de ce bâti, indépendamment de celui des villes-ponts et
des petits ports, est d'être cantonné
sur les terrasses en observant toujours
un recul par rapport à la rupture de pente du coteau.
Toutes les fois qu'il
échappe à ce modèle, c'est une dégradation de la charpente paysagère. C'est
aussi le cas toutes les fois qu'il franchit un vallon perpendiculaire à la
vallée, au détriment de l'intégrité du motif du vallon lui-même et des
continuités tant écologiques que paysagères qu'il devrait assurer. D'où
l'importance de la
localisation des zones d'extension du bâti dans les POS,
si l'on veut qu'ils incluent une dimension paysagère.
3. Dans la plaine alluviale : le modèle du bocage
La lisibilité de la plaine alluviale fut très longtemps assurée par le modèle
du maillage des haies et des chemins enserrant les prairies pâturées du
bocage.
Il y avait dans ce paysage la coexistence de trois modèles qui se
fondaient en un seul, riche et diversifié. Le premier était celui d'une
exploitation du sol adaptée aux exigences du bétail et au souci de limiter sa
liberté de divagation par des haies. Le second celui de
la parcourabilité de ce
même espace par un réseau mettant en communication l'arrière-pays et le
fleuve à travers la plaine alluviale. Le troisième celui de
l'écologie d'un
paysage structuré par les corridors
assurant les fonctions de circulation des
espèces et des énergies en même temps que de filtres et de barrières : réseau
de haies, fossés, bandes herbeuses, ruisseaux et ripisylves mettant en
relation, sur la matrice de fond des pâtures, les taches diverses qui
l'occupaient, bosquets, boires, bras morts, etc... (Fischesser et Dupuis-Tate,
1996 : 271)
Lorsqu'il a survécu, ce modèle a été très fréquemment amputé de
nombreuses haies, ce qui l'a privé d'une grande partie de sa valeur.
Lorsqu'il n'a pas survécu, du fait des remembrements, il n'a pas toujours
conservé, tant s'en faut le maillage de corridors assurant sa parcourabilité
et sa diversité. Il y a là un phénomène généralisé à l'ensemble de la plaine
ligérienne dont le résultat est un brouillage de sa lisibilité. C'est pourquoi
il conviendrait de faire l'inventaire attentif du réseau en place, d'en
dégager les 'charpentières' structurantes, pour les conserver ou les
restaurer, les protéger éventuellement par des protections fortes -
pourquoi
ne pas inscrire ou classer des motifs aussi fondamentaux de notre
patrimoine paysager?
- et de fixer le dessin des 'rameaux' secondaires, de
façon à obtenir un espace équilibré qui puisse desservir l'ensemble des sites
qui composent la plaine.
IV. LA PROTECTION ET LA MISE EN VALEUR DES PAYSAGES DE LA
LOIRE BOURBONNAISE
1. La reconnaissance des modèles de naturalité des
saltus côtiers et des
vallons par une urbanisation maîtrisée
Les risques d'atteinte au caractère naturel des coteaux ne peuvent être
évités, ici comme ailleurs, que par des volontés fortes. L'objectif des
documents d'urbanisme est d'anticiper ces risques afin que des Schémas
directeurs aux POS communaux, les dispositions soient prises à cet effet. La
région de Decize, sur un linéaire d'une vingtaine de kilomètres de part et
d'autre de la ville, a fait l'objet d'un des premiers
Plans de paysage initiés
par la Direction de l'Architecture et de l'Urbanisme en 1990. Ce document a
mis en lumière le caractère structurel des coteaux, des vallons et des
terrasses dans la charpente paysagère ligérienne et proposé les mesures
souhaitables pour en préserver l'intégrité, condition première de leur
lisibilité. Le principe fondamental, relevé par maints auteurs et paysagistes,
sera toujours de
localiser le bâti sur les terrasses en observant une marge de
recul d'une à deux centaines de mètres au minimum par rapport aux
ruptures de pente des coteaux et/ou des vallons.
On citera par exemple le cas de la commune de Sougy-sur-Loire (Nièvre).
Deux vallons y "coulent" vers la Loire, entre deux terrasses sur lesquelles
sont installées deux centres bâtis, Sougy même et l'Usage. On observe que
le petit port de Tinte se trouve localisé au pied du coteau, en retrait du
débouché du vallon sur la plaine. On observe également qu'une
installation industrielle a été localisée dans le vallon du Martray. Les
propositions consistent à :
- prévenir la dynamique d'urbanisation tendant à relier les deux centres
bâtis à travers le vallon, de façon à préserver leurs fronts bâtis anciens et la
continuité bioécologique et paysagère du vallon
- conforter les milieux naturels en place, et notamment la ZNIEFF de
catégorie I, par un classement en ND
- conforter le chaînage des haies et les ripisylves des ruisseaux
- limiter absolument toute extension de l'installation industrielle dans le
vallon mais l'envisager plutôt sur le plateau voisin. (Mazas al., 1993 : 82)
2. La reconnaissance des modèles de spatialité de la plaine alluviale par le
maintien de son réseau viaire
Pas de paysage sans chemins. Leur sauvegarde passe aussi par une volonté
affirmée. Sur le canton de
Decize-La Machine c'est cet objectif qui a été
choisi comme premier par les 10 communes parties prenantes du Plan de
paysage de 1993. Le projet a consisté à :
- réaliser un inventaire des chemins communaux
- déterminer le réseau des chemins structurants
permettant la
parcourabilité des communes et l'accessibilité du fleuve
- phaser l'opération sur trois ans
- réaliser les travaux avec une équipe de CES dirigée par un professionnel
qualifié.
(DDE 58, 1992-94)
L'intérêt de cette opération aura été de :
-
rétablir les continuités interrompues parfois depuis très longtemps entre
les communes et le fleuve, voire entre les communes elles-mêmes, de
façon à rendre possibles promenade et surveillance,
-
nettoyer en profondeur les abords du fleuve, souvent marqués par des
feux et des décharges sauvages de toutes provenances,
-
redécouvrir des motifs naturels et bâtis enfouis sous des fourrés et des
friches de plus de quatre mètres de hauteur : boires et bras morts, quais et
perrés maçonnés portant encore les anneaux d'amarrage de la batellerie,
ouvrages divers tombés dans l'oubli
-
conforter les corridors bio-écologiques de circulation des espèces
-
suggérer d'autres interventions, dont en premier lieu les plantations
destinées à protéger le nouveau réseau des chemins.
En effet, le moindre bénéfice de la reconstitution du réseau des chemins
n'aura pas été celui des replantations destinées à les protéger, tout en
rétablissant le corridor d'intérêt écologique détruit. Ainsi le chantier de
reconstitution des chemins a-t-il été suivi d'un
Inventaire végétal général,
assuré par la DIREN Bourgogne, et destiné à préciser la typologie des
principaux milieux végétaux locaux en vue d'utiliser les espèces végétables
adaptées aux différents types de haies mises en place. Une de ses premières
applications concerna ensuite le
remembrement du bocage de la plaine
sous Devay,
lequel reconstitua le réseau structurant des chemins effacés en
l'accompagnant de plantations.
Un autre bénéfice à mettre au crédit de la reconstitution du réseau viaire
local aura enfin été d'attirer l'attention sur certains motifs "oubliés",
notamment
le bâti ancien. Des redécouvertes telles que celle d'une
ancienne ferme désertée à proximité immédiate du lit mineur, ou sur une
île, ou bien même dans un village, ne pouvaient que suggérer des remises
en état pouvant présenter un grand intérêt à des fins d'accueil en même
temps que de veille sur des espaces très exposés en l'absence de
surveillance habituelle.
3. La reconnaissance des modèles de naturalité du saltus fluvial par la
garantie de son espace de liberté
Que ce soient les verdiaux, les bancs de sable, les boires et autres bras morts,
les méandres
et toute la flore et la faune qui en dépendent, leur vitalité et
leur liberté de développement si précieuses aux yeux du scientifique, du
paysagiste et du poète ne seront assurés que par l'espace de liberté qui leur
seront consentis. Cet
espace de liberté, concept dérivé de celui d'espace de
divagation et qui permet en principe une gestion équilibrée du fleuve, se
définit comme suit :
"l'espace minimal à préserver pour permettre au
cours d'eau de conserver son potentiel d'ajustement en plan et en long en
fonction de l'évolution des autres variables
(Q et Qs, le débit liquide et le
débit solide, ndlr) (Malavoï et Souchon, 1996, 154)
Cet espace de liberté peut être évalué à 10 à 15 fois la largeur du lit actif à
peins bords, valeur qui correspond à
l'amplitude moyenne de nombreux
trains de méandres analysés
par un grand nombre de géomorphologues,
parmi lesquels de nombreux anglo-saxons.
Seul le respect de cet espace, et donc le refus des aménagements tels que les
enrochements et endiguements, permettront d'éviter les modifications
morphologiques du fleuve, au premier rang desquels
l'enfoncement de
son lit.
Seul en effet le processus d'érosion des berges permet au fleuve,
comme la plupart des cours d'eau, de vivre du stock alluvionnaire
disponible dans son fond de vallée et de freiner le processus
d'enfoncement de son lit (déjà notable à la suite des tonnages considérables
de matériaux extraits de son lit dans les 50 dernières années), avec les
conséquences que l'on sait, par exemple en matière de
fragilisation des
ponts et des digues
qui en marquent le cours.
A ces impacts il convient bien sûr d'ajouter ceux qui, par voie de
conséquence, en affecteraient
la richesse bio-écologique :
- enfoncement de la nappe d'accompagnement ;
- dépérissement de la forêt alluviale à bois tendres
et remplacement par un
cortège d'espèces à bois durs, et donc banalisation des milieux (Bravard,
1986) ;
-
arrêt quasi irréversible du processus de rajeunissement permanent des
formes alluviales et de leur végétation associée
(jeunes stades de saules,
aulnes, peupliers), rajeunissement qui est le garant d'une diversité
maximale des milieux et donc de la faune aquatique et terrestre qui leur
sont associés ;
abandon accéléré des bras morts ou latéraux dont le rôle écologique est
fondamental pour la reproduction de certaines espèces de poissons ou
comme zones de refuge en période de crue.
(Malavoï et Souchon, 1996 : 155)
4. La flore et la faune ligériennes entre Saint-Hilaire-Fontaine et Decize
L'intérêt des milieux offerts par la Loire y tient à une remise en cause
constante de l'acquis.
La végétation ne suit pas une dynamique linéaire qui
verrait se coloniser le substrat nu depuis les plantes pionnières jusqu'à la
forêt. Elle affecte fréquemment une allure cyclique, dépendant des crues, la
Loire remettant alors à nu le substrat ou recouvrant de sable ou de graviers
les domaines colonisés par la végétation. Les grandes crues, comme celle
du 20 septembre1980, provoquent une profonde purge des fonds et des
rives et font apparaître des territoires nouveaux.
Ces modifications sont
très favorables à certaines espèces de poissons, comme le saumon,
en
favorisant la création de nouveaux sites de reproduction.
Les végétations pionnières sont ici plus variées et plus étendues que dans
les autres milieux d'eau douce. Elles se distribuent en rubans plus ou
moins larges, parallèles au cours du fleuve. Les ceintures végétales les plus
proches de l'eau sont influencées par le retrait très progressif de l'eau en
période d'étiage.
Chaque jour, quelques millimètres de sable ou de gravier
sont exondés, offrant ainsi de nouvelles surfaces à la colonisation végétale.
Plus on s'éloigne du rivage, plus les végétaux prennent d'importance et
l'on peut en observer la gradation.
Les saulaies pionnières que l'on peut observer près de l'Etang de Dornant,
sous Devay et Brain (ZNIEFF 1001-0003) sont d'une composition très
diversifiée. Elles le doivent à l'importance des superficies libérées par le
retrait des eaux et à l'amplitude de la variation de leurs niveaux.
La vallée de la Loire joue un rôle essentiel dans l'enrichissement
floristique de la plaine française en fournissant des terrains d'accueil et
d'acclimatation à la flore d'introduction. Ces introductions peuvent être le
fruit d'une dynamique naturelle, comme les migrations très anciennes ou
plus récentes, ou bien le résultat d'introductions dues à l'homme pour
quelques plantes asiatiques et américaines.
La vallée constitue un réservoir
floristique d'où les plantes peuvent essaimer dans les territoires
avoisinants.
La vallée est un couloir de migrations
non seulement pour les animaux,
mais également les végétaux. On a pu suivre l'avancée de certaines plantes
le long du cours du fleuve sur plusieurs années. Par exemple, sur les
pelouses et landes de Tinte (ZNIEFF 1002-0006), installées sur des sables
fluviatiles, on trouve deux espèces propagées par transport fluvial à partir
du Massif Central :
Viola tricolor et Genista purgans. Une lande à Genêt
purgatif se développe en conséquence très localement, qui n'est pas sans
rappeler certains versants du cours supérieur de la Loire quand, encore
jeune, elle traverse le haut Massif Central.
Certaines plantes ne s'installent que sur des territoires de Loire.
Sur les
sables du lit majeur de la commune de Sougy,
des groupements végétaux
pionniers peu communs, en tous cas uniques en Bourgogne, prennent une
extension importante. D'autres plantes, qui ailleurs ont tendance à
disparaître, trouvent en Loire les territoires relictuels nécessaires à leur
survie.
Depuis la pleine eau jusqu'à la forêt, se succèdent les domaines de
végétation suivants :
Dans le lit mineur :
- les peuplements des limons : espèces annuelles basses, algues, gazons,
- Les peuplements des sables et graviers inférieurs : pépinnières de jeunes
saules et de peupliers noirs,
- Les peuplements des sables et graviers supérieurs : composites, avec
apparition de plantes rudérales
Dans les eaux dormantes :
- Les peuplements et leur ceinture de végétation avec dans certains cas des
peuplements très médiocres.

Sur les milieux terrestres du lit majeur :
- Pelouses et prairies naturelles et fruticées des zones sableuses. Un
complexe orienté parallèlement au cours d'eau, et où alternent les
verdiaux buissonnants à base de saulaies et de fourrés de prunelier,
aubépine, sureau noir, saule pourpre et églantier, et les pelouses rases.
La Faune
Si l'on prête attention à la faune, et plus particulièrement aux oiseaux et
aux poissons, on s'apercevra que l'instabilité de la topographie et de la
végétation les affectent aussi.
De jour en jour, mois après mois, des oiseaux
nouveaux apparaissent,
qui restent ou s'en retournent, marquant les lieux
et les sites de leur présence mélodieuse. Certaines espèces, les
Sternes et les
Goélands, transforment les grèves du fleuve en rivages marins.
La Loire est
un couloir migratoire et une étape privilégiée permettant aux
oiseaux de se nourrir et de s'arrêter quelques heures ou quelques jours.
Certaines périodes sont plus favorables que d'autres. Les migrations voient
descendre les oiseaux du 15 juin au 15 novembre, alors que la remontée
s'effectue entre le début février et le 15 mai. La période de nidification, du
15 mars au 15 juillet, est un moment particulièrement critique pour les
oiseaux. Ils ont alors besoin de tranquillité et les dérangements peuvent
être fatals aux couvées.
La migration affecte aussi certains poissons. Parmi les grands migrateurs
atlantiques, on trouve
le saumon, la lamproie, l'alose et l'anguille. En ce
qui concerne le saumon, il existe une race Loire-Allier qui revient
périodiquement du Groënland dans son fleuve natal. Chaque cours d'eau
possède sa race propre, façonnée et adaptée au milieu depuis des
millénaires.
Ces poissons migrateurs étaient abondants jusqu'aux premières années de
ce siècle. Dès1903, le barrage de Decize a été mis en cause pour expliquer la
raréfaction des peuplements dans la Loire supérieure. En 1937 fut constatée
la disparition des migrateurs de la Loire supérieure. Aujourd'hui, les
barrages de Decize et de Roanne subsistent et constituent un obstacle
majeur à la remontée des migrateurs. Ceux de Cragent et de Villerest ne
sont pas pourvus d'équipements de franchissement.
La pollution a contribué à la disparition des poissons migrateurs mais l'état
des eaux de la Loire et de ses affluents dans les départements de la Loire et
de la Haute-Loire s'est considérablement amélioré. La crue du 20 septembre
1980 a provoqué une profonde purge des fonds, des rives et de leurs abords,
qui a amélioré la santé ultérieure du fleuve et favorisé l'extension des
diverses espèces.
L'avifaune reste un des éléments les plus remarquables du patrimoine
ligérien par sa variété et son originalité.
La plus grande partie des espèces observées dans les régions bordières du
fleuve ont été observées sur son cours. On y retrouve une très grande
proportion d'oiseaux nicheurs, migrateurs (particulièrement nombreux en
bord de Loire), hivernants, estivants, parmi lesquelles des espèces rares
(migrateurs et hivernants en majorité) et des espèces, la plupart migratrices
aussi, liées au milieu aquatique.
Chaque ambiance, chaque milieu possède ses oiseaux et les chants qui leur
sont propres.
L'eau libre est le lieu de nourriture du
Balbuzard pêcheur et des Sternes,
ainsi que le lieu d'hivernage de nombreux anatidés. Les rives sapées sont le
lieu de reproduction du
Martin-pêcheur et de l'Hirondelle des rivages. Les
rives boisées servent de
héronnières.
Les îles sont particulièrement appréciées pour leur tranquillité. Ce sont des
lieux privilégiés de nidification des passereaux et des nicheurs forestiers
tels les
Hérons cendrés et bihoreaux et les Aigrettes garzettes. Ce sont aussi
des
haltes migratoires sûres, notamment lorsqu'elles sont cernées d'une
couronne de Phragmites.
Les grèves et les vasières représentent les milieux les plus originaux.
Elles
sont des lieux de nidification pour les
Sternes naines et Pierregarrin et pour
le
Petit Gravelot. L'absence de fréquentation pendant les époques de
nidification est indispensable au maintien de ces espèces.
La Sterne Pierregarin est dite "peu nombreuse" en France. Elle n'est
présente qu'en Camargue, sur les côtes bretonnes et sur les rivages de la
Loire et de l'Allier. Elle niche en colonies sur les îlots herbeux ou
sablonneux. La Sterne naine, elle, ne s'installe que sur les îlots et les grèves
de sable ou de gravier. Solitaire, elle ne fait pas de colonies. Le Petit
Gravelot est un grand migrateur et revient nicher sur les bords de Loire
après un hivernage en Afrique.
Les grèves et les vasières sont aussi un lieu de nourrissage pour les
limicoles migrateurs. Lorsque la Loire commence à baisser vers son cours
d'étiage, ces grèves se dégagent progressivement, libérant chaque jour
quelques millimètres de vasières, lieux d'une grande richesse en microorganismes
(larves, insectes, crustacés) servant au nourrissage des
limicoles. L'impact des barrages peut donc être important pour les
nombreux oiseaux qui fréquentent ces sites. En cas de barrage en effet, si le
débit ne descendait pas sous les 70 m3/s, il faudrait éviter les lâchers
intempestifs et arriver à une diminution journalière régulière de 1 à 3 mm
impliquant notamment une vidange de barrage en septembre-octobre.
Les boires, les canches, les gourds, les vasques sont un lieu d'hivernage des
oiseaux d'eau et un lieu de nourrissage pour les hérons et les échassiers.
Des mesures de protection de l'avifaune peuvent être proposées. Par
exemple : les réserves de chasse et de pêche; l'interdiction, au moins en
certaines saisons, de la moto verte et du motonautisme; la limitation des
extractions de matériaux ; les Réserves naturelles classées.

INDEX DES COMMUNES
CLASSEES PAR ORDRE D'APPARITION D'AMONT EN AVAL
Mably-42-Loire
Vougy
Pouilly-sous-Charlieu
Briennon-
Saint-Nizier-sous-Charlieu
Saint-Pierre-la-Noaille-42-Loire

Iguérande-71-Saône-et-Loire
Melay
Artaix
Saint-Martin-du-Lac
Chambilly
Marcigny
Bourg-le-Comte-71-Saône-et-Loire

Avrilly-03-Allier
Baugy-71-Saône-et-Loire
Vindecy-71-Saône-et-Loire
L'Hôpital-le-Mercier-71-Saône-et-Loire
Varenne-Saint-Germain-71-Saône-et-Loire
Chassenard-03-Allier
Digoin-71-Saône-et-Loire
La Motte-Saint-Jean-71-Saône-et-Loire
Molinet-03-Allier
Coulanges-03-Allier
Saint-Agnan-71-Saône-et-Loire
Pierrefite-sur-Loire-03-Allier
Perrigny-sur-Loire-71-Saône-et-Loire
Gilly-sur-Loire -71-Saône-et-Loire
Diou-03-Allier
Dompierre-sur-Besbre-03-Allier
Saint-Aubin-sur-Loire-71-Saône-et-Loire
Beaulon-03-Allier
Bourbon-Lancy-71-Saône-et-Loire
Garnat-sur-Engièvre-03-Allier
Lesme-71-Saône-et-Loire
Paray-le-Frésil-03-Allier
Saint-Martin-des-Lais-03-Allier
Vitry-sur-Loire-71-Saône-et-Loire
Cronat-71-Saône-et-Loire
Gannay-sur-Loire-03-Allier

Saint-Hilaire-Fontaine-58-Nièvre
Charrin
Lamenay-sur-Loire
Devay
Saint-Léger-des-Vignes
Decize-58-Nièvre


Source : Alain Mazas, Paysagiste DPLG - Typologie paysagère de la vallée de la Loire - DIREN Centre -1999